Le plan Marshall ? Un train auquel nous aurions attaché notre wagon

11-12/10/1947

 

On entend dire parfois : « Puisque nous avons un besoin inéluctable des États-Unis, pourquoi ne pas nous jeter complètement dans leurs bras sans réticence aucune ? Pourquoi s'armer de tout cet attirail de plan Marshall et de résurrection européenne ? Précipitons-nous dans le camp des États-Unis ».

Remarquons immédiatement que cette observation pourrait être faite tout aussi bien au gouvernement Anglais. Sa politique en la matière est strictement parallèle à la nôtre. Je sais que règne Outre-Manche une rumeur contre les Américains, qui à la faveur des événements ont conquis la plupart des marchés où l'Allemagne exerçait son commerce. Mais les Anglais sont trop sages pour que cette rumeur guide leur diplomatie.

Pour revenir à notre situation d'avant guerre, il faudra près d'un siècle. Il en résulte entre notre faiblesse et la puissance des États-Unis une disparité telle que le tête à tête ne peut être qu'une absorption. D'autre part, à nous seuls, nous n'intéressons que médiocrement les Américains. Le plan Marshall est comme un train auquel nous aurions attaché notre wagon. Il est un excellent moyen d'éviter le tête à tête avec une puissance dépourvue de tout impérialisme politique, mais non de tout impérialisme économique.

Sommes-nous sûrs, également que courant l'aventure d'une façon solitaire, nous aurions été les premiers secourus ? Dans la course aux dollars nous pouvions fort bien être distancés par tel ou tel et plus spécialement par les Italiens. Les Italiens sont mieux placés que nous auprès des États-Unis : ils ont pour avocats quelques millions d'électeurs italo-américains. Leur situation stratégique dans les plans des États-Unis est plus importante que la nôtre. En abordant l'étude d'une union douanière franco-italienne nous obéissons à un principe. Ce principe allait au moins dans le sens de notre intérêt, qui est de nous lier aux Italiens suffisamment pour éviter leur priorité sur nous.